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Dakar Design Hub, l’académie qui veut révolutionner l’écosystème de la mode au Sénégal

Elle a habillé les plus grandes stars et ses tenues épurées et ultra féminines ont foulé les plus grands podiums de Paris, New York, Milan, Johannesburg ou encore Lagos. Elle, c’est Sophie Zinga Sy. Elle est une créatrice de mode sénégalaise et une entrepreneure affirmée. Récemment, elle a sorti de terre un projet de grande envergure : une académie dont l’objectif est de former aux métiers du design textile. Pour vous, l'équipe de Noir Concept est allée à sa rencontre pour en apprendre davantage sur le Dakar Design Hub - DDH, premier du genre en Afrique.



Comment vous est venue l'idée de la création du Dakar Design Hub ?

Tout a commencé au début de ma carrière dans la mode en 2011.

Je travaillais alors à New York où j’ai lancé la première collection de ma marque Sophie Zinga. Je me suis occupée de toute la confection et de toute la partie développement de la marque.

En 2012, je suis rentrée au Sénégal puis j'y ai ouvert ma première boutique. Pour cette nouvelle aventure, je me suis naturellement dit qu'il me suffirait de recruter les profils nécessaires pour développer mon entreprise. J’étais donc à la recherche de personnes compétentes, bien formées et capables de travailler pour du haut de gamme.

Mais à ma grande surprise, je me suis rendue compte qu’il n'y avait pas de véritables écoles de formation de ce genre au Sénégal. Je ne trouvais pas les profils que je recherchais et ceux que je recrutais finalement ne répondaient pas à mes besoins. C'était très frustrant pour moi qui me disais que le Sénégal est tout de même une des capitales de la mode en Afrique. Je n'avais pas envisagé que manquer de personnel pouvait être un frein au développement de ma marque.

C'est finalement en 2015 que je me suis dit qu'il fallait absolument que je crée une académie de design à Dakar. Je n'avais pas une idée claire du processus mais j'étais bien décidée à le faire. Je me suis mise à écrire les premières idées que j’avais de cette école de design et de mode. Je ne voulais pas que des jeunes créateurs de 23 ou 24 ans vivent la même expérience que moi en 2012. Dakar Design Hub est ainsi né.


Quels étaient les métiers que vous cherchiez et que vous ne trouviez pas sur le marché sénégalais ?

Presque tous les métiers du Design textile.

Déjà, pour trouver une PR (attaché de presse), c’était difficile. À New York, je travaillais avec Anna Touré mais elle était justement basée à New York. Quand je suis revenue au Sénégal, je voulais trouver une PR locale mais c'était laborieux.

Trouver un brand manager était aussi totalement difficile.

Même chose pour ce qui est de l’assistant de mode avec un cursus de 4-5 ans. Trouver un chef modéliste, c’était la croix et la bannière. C’était la même difficulté pour trouver des techniciens de machines.

En plus, dans la mode, il existe tellement de métiers différents que les gens ne connaissent pas. Tout le monde ne peut pas être désigner par exemple. Il faut qu'il y ait forcément des gens qui travaillent en amont.

Et c’est justement l’une des choses que nous voulons réaliser au Dakar Design Hub. Nous voulons former tous ces futurs profils; des designers bien sûr mais aussi tous les autres métiers qui font que les entreprises de la mode tiennent.

Cela voudrait-il dire que tous les types de métiers que vous venez de citer sont au programme de Dakar Design Hub (DDH) ?

Oui, ils sont au programme de l’académie. Cependant, il faut savoir que développer des programmes d’études de qualité prend beaucoup de temps. Nous avons une approche phasée et la question que nous nous sommes posés est la suivante : "Comment pouvons-nous déjà aider l’écosystème actuel ?”.

En effet, il y a des entrepreneurs qui sont bien installés et qui ont des marques établies. Comment pouvons-nous les accompagner à avoir de meilleurs produits et à mieux vendre? Ils sont notre cœur de cible.

Notre deuxième cible se concentre sur tous les techniciens qui travaillent en back-office à savoir les tailleurs et les autres artisans. Car oui, beaucoup de designers viennent nous dire qu'ils ont vraiment du mal à travailler avec ces techniciens, parce qu’ils ont été formés sur le tas et ils ne savent pas vraiment comment communiquer entre eux.

Donc notre ambition dans un premier temps est de répondre aux besoins du marché existant en créant ce dialogue.

Nous commençons par des cours certifiants de 3 mois pour les Fashion Entrepreneurs et 6 mois pour les techniciens du design.


Quel est l’accueil du DDH après les premiers mois de lancement ?

Nous avons reçu un énorme engouement, beaucoup de demandes et de messages positifs.

C’est vraiment motivant pour nous. On sent qu’ils ont envie d’apprendre et veulent des formations de qualité. Cette génération a envie de voir de la nouveauté.

Ils ne sont pas attirés par des programmes d’études qui datent de 30-40 ans, cela ne leur donne pas envie.

Le monde est global. Ils ont accès à Internet et aux réseaux sociaux.

Ce n’est pas parce qu’un jeune vient de Thiaroye (banlieue de Dakar), ou d’une autre région reculée du Sénégal qu’il ne sait pas ce qui se passe dans le reste du monde.

Ils sont ouverts, très intelligents et nous voulons répondre à leurs attentes.


Est-ce que les cycles de formation ont débuté au DDH ?

Nous sommes en train de dérouler certains programmes mais nos cours officiels vont commencer cet été 2022.

Une promotion de 20 jeunes designers de la région de Dakar a été sélectionnée et est actuellement en train d’être formée dans le cadre du programme incubateur. Il s’agit d’un programme spécial en collaboration avec une université anglaise.



Cet été, nous allons dérouler les cycles de formation du Dakar Design Hub.

Et ce, sans apport externe, avec notre propre programme que nous avons nous-mêmes conçu et qui prenne en compte, nos réalités du terrain au Sénégal.


Par ailleurs, je précise qu’au DDH, nous avons plusieurs composants.

  • Il y a d'abord le Programme Mobilité, non limité à Dakar, au cours duquel, DDH offre des formations aux populations. Des voyages dans les régions sont ainsi organisés pour former les participants autour des métiers du digital (social media manager, digital manager,... ) pour promouvoir leurs produits.

  • Ensuite, nous avons le Dakar Design Studio qui est un programme qui vise à aider les petites et moyennes entreprises de mode à mieux gérer leur image de marque.

  • Puis nous avons le Manufacturing qui est une usine de fabrication, qui est déjà construite et qui vise à développer des collections de marques sénégalaises émergentes qui ne savent pas où recruter un tailleur, ou qui ont du mal à travailler avec quelques tailleurs du marché. Ce programme par exemple fut une réelle aubaine pour la première promotion d'élèves qui ont eu l'opportunité de se faire engager au sein du DDH. Le manufacturing leur permet ainsi de faire leur collection et de travailler avec eux de façon pérenne.

  • Nous avons aussi le Textiles of Senegal, une plateforme digitale qui donne de la crédibilité aux acteurs du textile et de l’industrie textile sénégalaise, en général. En effet, peu savent ce qui se passe en matière d’industrie du textile dans notre pays. La plateforme pallie donc ce problème.

  • Il y a également le Dakar Institute of Design où sont formés les futurs designers, les futurs artisans, etc.

  • Et enfin, nous avons le programme d’incubateur avec la collaboration de l’université anglaise qui participe à l'enseignement aujourd’hui au DDH.

Quel est le profil des étudiants qui intègrent le DDH?

C’est d’abord ceux qui ont déjà leur marque (les entrepreneurs de la mode), ensuite les artisans et les tailleurs et enfin, les jeunes bacheliers. En effet, quelqu’un qui a obtenu son bac et qui a envie d’être designer, a tout à fait sa place au DDH. Ce sont là nos trois cibles.



Pour le moment, nous avons beaucoup de demandes au niveau des entrepreneurs de la mode qui ont envie de développer leurs marques. Pour les tailleurs, nous sommes conscients que ce sera la cible la plus difficile à atteindre. En effet, ce sont des gens qui vivent en général dans des conditions assez précaires, mais qui ont déjà un travail. Cela sera difficile de leur faire comprendre l'intérêt d'une formation. Ce qui fait que nous avons des mesures incitatives que nous allons mettre en place pour qu’ils puissent comprendre que venir faire une formation avec nous, va non seulement renforcer leur développement personnel, mais aussi accroître leurs revenus. Et qu’à la fin de cette formation, ils auront un portefeuille et défendront dignement leur savoir-faire.


Quel est le profil des professeurs qui donneront les cours au DDH ?

C’était un grand challenge pour nous de trouver des professeurs qui sauraient répondre aux attentes des élèves et aux nôtres. Les experts que nous avons choisis viennent d’un peu partout dans le monde, du Sénégal y compris. L’idée est de créer une collaboration entre eux afin d’échanger et produire des programmes d’études beaucoup pertinents et adaptés à notre culture, nos réalités sénégalaises et africaines.



Y a-t-il des partenaires qui vous ont accompagnés dans cette aventure ?

Oui, absolument. Nous avons lancé DDH sur fonds propres et quelques partenaires nous ont rejoints dans certaines étapes du projet. Invest for Jobs de la GIZ nous ont accompagnés sur l’achat des machines, sur le développement du programme et aussi dans la communication. Nous avons également travaillé avec la DER qui nous a octroyé un prêt en 2019. Actuellement, nous travaillons avec le British Council pour concevoir de nouveaux types de formations.



De 2015, lorsque vous avez commencé à griffonner l’idée jusqu’en 2021, la sortie de terre de DDH, quelles sont les principales leçons que vous avez apprises durant cette aventure?

  1. La première chose, c’est l’humilité. J’entends par là le fait d’apprendre de tout le monde et de progresser ensemble. J’ai toujours cette volonté d’en apprendre toujours plus.

  2. La seconde leçon importante pour moi c'est la résilience. J'en ai vu de toutes les couleurs depuis 2015. Cela m’a pris 6 ans pour mettre en place ce projet. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Entre temps, j’ai changé plusieurs fois mon idée de départ. Dakar Design Hub a pris du temps pour sortir de terre. Et ça, j’aimerai bien que nos jeunes entrepreneurs le prennent en compte : cela prend du temps pour mettre en place un projet.

  3. La troisième et non moins importante est l’agilité. On a eu le covid. Il fallait penser aux opportunités que cela pouvait créer. Durant cette période, j’ai créé une plateforme en ligne et très tôt, j’ai commencé à faire des masques que je livrais un peu partout à Dakar. De nos jours, c’est indispensable d’être agile dans la façon dont nous pensons nos projets et nos business.



Quel est votre mot de la fin ?

J’ai conçu le Dakar Design Hub pour faire rayonner le Sénégal et pour positionner Dakar comme une place centrale dans le monde du Design Textile. Et ce, pas seulement en Afrique mais dans le monde entier. J’aimerais bien que les jeunes sénégalais puissent profiter de ce que nous avons à offrir au monde et qu’à la sortie de la formation, que chacun puisse dire "J'ai appris quelque chose de nouveau". Ils auront ainsi les armes pour surmonter toutes leurs difficultés. Dans 10 ans, j’aimerais voir une industrie plus structurée, avec des designers qui ont plus de revenus, plus de facilités à recruter et surtout, avoir de nouveaux designers qui vont grossir les rangs d’Adama Paris ou Selly Raby Kane et briller à l’international.


 

Instagram : @dakardesignhub

Crédit photos : courtesy Instagram DDH

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