Originaire de Podor, Oumou Sy, styliste, créatrice de bijoux et pionnière de l'internet à Dakar, est la costumière de choix de l'élite musicale et artistique du Sénégal. Entre la conception de costumes pour le cinéma et ses créations de haute couture vendues dans le monde entier, Oumou Sy est une femme d'affaires accomplie et une figure incontournable dans le domaine de la culture au Sénégal et en Afrique. Sa marque de fabrique ? Ce sont des costumes faits à partir de matériaux traditionnels et contemporains et des tenues intrigantes aux détails singuliers. On y retrouve du textile, des disques compacts, des paniers, des bouteilles de parfum, des plumes et du raphia. Chacune de ses créations raconte une histoire. Oumou Sy y mélange le passé et le présent, les cultures et l'histoire africaine. La rédaction de Noir Concept vous fait (re) découvrir le parcours et l’histoire d’une des grandes entrepreneures de la mode et de la culture au Sénégal.
L’indépendance financière pour prendre en main les rênes de son destin
La première chose à savoir sur Oumou Sy, c’est qu’elle est une femme battante qui a très tôt su prendre sa vie en main. Elle a en effet très vite compris que lorsqu'une femme est indépendante financièrement, elle peut facilement décider de son propre destin. Si, dans sa tribu, les femmes n'ont souvent qu'un seul but, “se marier et se taire” comme elle le raconte dans ses interviews, Oumou, la rebelle, ne voulait pas suivre ce modèle. Elle rêvait en effet de liberté et d’actions. Ainsi, lorsque son père est décédé, elle a senti toute la force de ce dernier entrer en elle. À 5 ans, elle n'était plus une enfant. À 9 ans, elle a refusé un mariage arrangé. À 13 ans, elle convainc sa mère de lui acheter une machine à coudre pour réaliser ses créations et en vivre.
Au-delà de ce désir d’indépendance financière, Oumou Sy refusait également que sa vie sentimentale soit régentée. Disant non aux prétendants choisis par sa famille, la peulh de Podor s'est rebellée et a épousé un Capverdien métis et catholique. Le mariage s'est malheureusement soldé par un divorce. Elle a alors déménagé pour finalement s'installer dans un vieux quartier du Dakar colonial, la Médina, avec ses enfants. Avec l'aide d'artistes dakarois comme Kalidou Sy, directeur de l'école des beaux-arts, elle a lancé sa carrière à Dakar.
Le parcours d’une créatrice d’envergure internationale
Oumou est un artisan aux multiples dimensions. En effet, depuis le début des années 1980, son talent créatif est connu et reconnu dans la conception et la fabrication de costumes originaux. Ses créations sont également remarquées dans ses nombreuses collaborations avec des artistes africains dans le cinéma (Ousmane Sembène, Djibril Diop Mambéty, …), le théâtre, la danse (Germaine Acogny) ou la musique (Youssou Ndour, Baba Maal, …). Ses travaux dans le monde du cinéma ont donné une signature à ses costumes, ses vêtements de haute couture, ses bijoux et ses accessoires. La créatrice a ainsi réalisé des costumes, des décors, des coiffures et des maquillages pour près d’une vingtaine de films et pour au moins treize spectacles de dimensions nationales, continentales et mondiales. Cela lui a d’ailleurs valu des prix lors de grands festivals et un public beaucoup plus large que celui des défilés de mode.
Pour satisfaire son ambition qui dépassait les frontières de la mode, Oumou Sy crée en 1996, avec son deuxième mari, le cinéaste Michel Mavros, Metissacana. Metissacana était un cybercafé (le premier de toute l’Afrique francophone) et un centre culturel dans le centre-ville de Dakar, au Sénégal. Metissacana, qui incarnait les valeurs de ce couple de créateurs, est un mot tiré du créole, du français et du bambara qui signifie "le mélange des races et des cultures est arrivé". Ce lieu culte de l’époque abritait à la fois un bar, un restaurant, une salle de spectacles et une vingtaine d’ordinateurs connectés 24 heures sur 24 jusqu'à sa fermeture en 2002.
Mais l’entrepreneure ne s’arrête pas là ! En 1997, elle lance la SIMOD, la Semaine Internationale de la Mode. L'année suivante, elle crée le Carnaval de Dakar, un défilé annuel de danseurs costumés, de chevaux, de chars, de musiciens et de fêtards. C’est elle qui créera également Leydi, une école de création de mode et de costumes à Dakar. Vous l’avez compris, Oumy Sy ne s’est pas arrêtée pas à la création, elle tient à la transmission de son savoir. En tant qu’enseignante, on la retrouvera ainsi dans les prestigieuses Ecoles des Beaux-Arts à Dakar, à Milan et à Genève.
Au vu de ses multiples réalisations, on pourrait se demander d’où vient l’inspiration de cette prolifique créatrice. La réponse sonne comme une évidence : son héritage africain et son ouverture au monde.
L'héritage africain comme base de ses créations
Inspirée par les traditions aristocratiques des Wolofs et des Toucouleurs, les principaux groupes ethniques du Sénégal, Oumou construit des silhouettes avec du volume et de la densité.
Elle manie ainsi à la perfection le grand boubou très prisé par ces populations et s’en inspire pour créer des vêtements et des costumes hors normes, où se mêlent simplicité, raffinement et originalité.
Dans ses créations, Oumou Sy magnifie des tissus africains tels que les imprimés en coton, les pagnes tissés et autres tissus teints à la main. Elle innove aussi dans sa façon d’aborder le tissu tout en gardant son héritage culturel. C’est ainsi qu’elle arrive à concevoir des motifs et des tissages, à produire des créations originales dont elle seule a le secret. Et pour réaliser ses œuvres qui l’ont rendue célèbre dans le monde, la passionnée de mode emploie des artisans africains qui expérimentent souvent des mélanges de fils, de teinture ou de broderie.
Ainsi, surfant entre le leg culturel des peulhs et la modernité, Oumou donne aux vêtements traditionnels, une forme occidentalisée avec des ceintures, des écharpes ou des tailles ajustées qui donnent des contours au corps.
Si vous venez au Sénégal et que vous vous intéressez un tant soit peu à la mode, Oumou Sy est l'une des premières personnalités avec lesquelles vous devez vous familiariser. Nous vous avons retracé son parcours qui, nous l'espérons, sera une source d’inspiration. Vous pouvez d’ailleurs la retrouver sur sa page Instagram où elle partage ses œuvres et activités.
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